Les entreprises apprécient la formation en management dispensée par les établissements d'enseignement supérieur. Mais des incompréhensions subsistent de part et d'autre sur des questions comme l'apport de la recherche ou le financement des institutions. Une étude récente de la Fnege fait le point sur les relations entre ces deux mondes.
Entre les entreprises et les universités ou les grandes écoles, en particulier dans le domaine de la gestion, les relations, depuis de nombreuses années, n'ont cessé de s'approfondir, de devenir plus sophistiquées. Cela n'empêche pas qu'un certain nombre d'ambiguïtés et d'incompréhensions subsistent. Sur bien des points, les intérêts et les attentes ne sont pas les mêmes de part et d'autre. Comment construire une relation plus féconde entre ces deux familles d'acteurs ? C'est le sujet sur lequel se penche la dernière étude de la Fnege (Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises), pilotée par Frédérique Alexandre-Bailly, professeur à ESCP Europe et Xavier Lecocq, professeur à l'université Lille 1. Cette étude s'appuie notamment sur une série d'interviews de responsables d'entreprise.
Il faut d'abord souligner un point positif : de façon générale, les entreprises se déclarent très satisfaites de la qualité de la formation reçue par les étudiants et de l'employabilité des diplômés. "Mais les choses changent, souligne Frédérique Alexandre-Bailly. La crise économique, les débats sur la place du MBA, la question du financement des institutions, l'arrivée de nouveaux acteurs comme les universités d'entreprise dans le champ de la formation continue, tout cela modifie la donne."
Aujourd'hui, la relation entreprise-école tend à devenir plus "globale" : elle inclut le recrutement des diplômés et l'accueil de stagiaires, mais aussi la recherche, la formation continue des salariés, les interventions de cadres dans les amphis, la présence des entreprises dans les conseils d'orientation des programmes et dans les instances de direction des établissements... Le tout débouchant parfois sur un partenariat global entre entreprise et institution.
Une première source d'incompréhension réside autour du financement et de la dimension commerciale de certaines activités. Pour certains responsables académiques, l'entreprise est parfois souvent vue comme une source de financement complémentaire, susceptible de pallier le retrait progressif des organismes de tutelle (CCI, par exemple). Les entreprises, de leur côté, "expriment la crainte d'entrer dans une relation commerciale avec les écoles, relève la Fnege dans son rapport. Or ces dernières ont, ces dernières années, créé et renforcé musclé leurs équipes commerciales pour prospecter et gérer les relations avec les entreprises." Les tarifs des écoles sont d'ailleurs souvent jugés élevés. "L'objectif ne doit pas être d'instaurer une relation commerciale, souligne Frédérique Alexandre-Bailly, mais de s'orienter vers une relation partenariale et durable."
L'apport de la recherche n'est pas forcément celui que l'on attend
Que peut attendre l'entreprise de cette relation ? Là encore, le malentendu guette. "Quand une entreprise travaille avec un enseignant-chercheur, elle n'obtient pas forcément exactement ce qu'elle a commandé, mais autre chose, qui va souvent plus loin, qui est plus utile et plus riche, estime Frédérique Alexandre-Bailly. Nombre d'entreprises se sentent perdues dans la crise. Elles ont besoin de clés. Les relations avec les écoles leur redonnent du souffle, leur permettent d'échanger avec quelqu'un de "neutre". L'intervention d'un professeur peut contribuer à "faire réfléchir" les managers, leur apporter une vision plus large, les faire progresser, parce qu'il s'appuie sur la recherche. Contrairement à certains cabinets de conseil, son objectif n'est pas de faire plaisir au dirigeant. L'offre académique n'a rien à voir avec celle du conseil." Comme le souligne le rapport de la Fnege : "Pour tous les acteurs concernés, c'est bien la recherche qui fait l'identité et l'intérêt des écoles de management. D'où la volonté de mettre l'enseignant-chercheur au coeur de la relation." Et non le service marketing de l'école... Cet apport essentiel de la recherche rejoint d'ailleurs une position exprimée à plusieurs reprises par le Syntec Management.
La recherche en gestion, justement, fait aussi partie des motifs d'incompréhension, observe la Fnege : "Elle n'est perçue par les entreprises comme créatrice de valeur que si elle a des retombées sur les activités d'enseignement en formation initiale et continue. Les entreprises attendent donc un meilleur couplage entre recherche et enseignement. Alors que les enseignants-chercheurs tendent parfois, paradoxalement, à découpler leur activité de recherche et l'enseignement pour que ce dernier réponde au mieux à ce qu'ils imaginent être les attentes des entreprises : un savoir-faire actionnable à court terme."
Aussi la Fnege formule-t-elle plusieurs propositions destinées à rendre la relation entreprises-écoles "la plus féconde possible". Parmi celle-ci, on retiendra l'instauration d'un statut "proche de celui des chercheurs praticiens hospitaliers", permettant aux enseignants-chercheurs de passer du temps en entreprise, "dans la durée".
Autre piste suggérée par la Fnege : désigner des "passeurs", susceptibles d'assurer la diffusion de la recherche au sein des entreprises. "Il est vrai que le langage d'un enseignant-chercheur peut devenir incompréhensible dans l'entreprise, par exemple au niveau d'un conseil d'administration", constate Frédérique Alexandre-Bailly. Ces "passeurs" pourraient être choisis parmi les campus managers, les enseignants-chercheurs, mais aussi d'autres acteurs. Il arrive que le PDG lui-même, le DRH, le directeur financier, voire le directeur marketing joue lui-même ce rôle de "passeur".